Dans le cadre du Prix Turgot des meilleurs livres francophones d’économie financière, LouisBachelier.org publie quelques-unes des chroniques rédigées par le Club de présélection.

Ce billet est consacré à Croissance Zéro, de Patrick Artus et Marie-Paule Viard, paru aux Editions Fayard (2015).

Cessons de nous voiler la face : les prévisions de croissance que nous égrènent depuis 2009, les gouvernements successifs ont perdu de la crédibilité. 2% de croissance en 2017 et au-delà relève de la mission impossible ! La croissance qu’a connue la France à la fin du XXème siècle, fondée sur les gains de productivité et le progrès technique, n’était pas la règle d’un monde nouveau mais l’exception d’une histoire têtue, thèse que l’ouvrage défend abondamment. Faut-il pour autant se décourager ? Non, nous disent les auteurs qui ne veulent pas appartenir au clan des « déclinistes ». La France est au seuil d’un nouveau mode de développement. Soit elle refuse d’affronter cette réalité au risque de basculer dans « la violence la plus légitime » (quels sont les critères de légitimité de la violence ?), soit elle change de logiciel et s’ouvre de nouvelles pistes de création de bien-être qui offriraient à sa jeunesse des perspectives et lui ôteraient les envies de repli sur soi, d’expatriation et de violence.

Néanmoins l’ouvrage reste peu disert sur les impacts – que peu d’économistes sont en mesure d’évaluer précisément- de la révolution numérique -et c’est probablement un regret du lecteur- qui sont susceptibles de modifier grandement l’ordonnance que les auteurs prescrivent avec dix mesures prioritaires dont celles-ci: ramener le niveau du smic à 50% du salaire médian, investir massivement sur les formations professionnalisantes, repousser d’un an l’âge de la retraite pour tous, faire converger progressivement CDI et CDD, limiter au strict minimum les transferts publics, recentrer les dépenses publiques sur les priorités afin de les faire revenir dans la moyenne de la zone euro…

On voit que pour les auteurs, les lois Macron ne sont que des entrées en matière qui ne seront suivies d’effet et prolongées que si les Français peuvent mettre leurs efforts au service d’un projet collectif qui transcende les aspirations individuelles et garantisse aux plus « entreprenants » les moyens de préparer l’avenir. Si la prospérité doit être plus modeste, il est essentiel qu’elle soit mieux partagée. Un projet de ce type a fait défaut à nos dirigeants depuis des décennies.