Dix ans après la chute de la banque d’affaires Lehman Brothers et la grave crise financière qui s’est déclenchée dans la foulée, le pire semble derrière les acteurs de la finance, comme en témoignent la bonne tenue des bourses des pays développés et la relative vigueur de l’économie mondiale, un mirage en trompe- l’œil ?

Les régulations financières, adoptées au lendemain de la crise financière, ont-elles porté leurs fruits ? Les banques se sont-elles disciplinées dans leurs prises de risque ? De nouveaux risques systémiques sont-ils en gestation ? Autant de problématiques cruciales, qui nécessitent l’apport de la recherche scientifique pour aider les régulateurs et les professionnels du secteur dans leur prise de décision. Ce sont justement ces thèmes, qui ont été abordés et discutés lors de la conférence internationale, organisée par l’Institut Louis Bachelier lundi 17 septembre au palais Brongniart à Paris. Cet événement a, en effet, réuni des chercheurs de renom et des régulateurs pour débattre des mesures mises en place et des nouveaux risques systémiques émanant du secteur financier.

Les banques trop grosses pour faire faillite n’existent plus

Il y a dix ans, la crise financière s’est propagée comme une traînée de poudre suite à la chute de Lehman Brothers, qui était considérée à tort par les investisseurs comme une banque trop importante pour faire faillite. À la suite de cet épisode douloureux, les spread de crédits des banques ont grimpé et le marché interbancaire s’est grippé, illustrant la méfiance des investisseurs et la défiance des banques entre-elles.

Selon Darrell Duffie, professeur à l’Université de Stanford : « Aujourd’hui, il n’y a plus de banque qui soit to big to fail (…) Le gros changement, depuis la crise, est que l’État ne sera plus forcément le prêteur en dernier ressort d’un établissement bancaire en difficulté, les investisseurs devront assumer des pertes. » Dans cette même voie, depuis 2013, les agences de notation ont également admis que les états ne renfloueraient plus de banques en ajustant leur modélisation avec ce nouvel aspect. Si bien que d’après l’éminent chercheur : « Avant la crise financière, il y avait 2/3 de chances qu’une banque soit sauvée par un état, mais depuis, cette probabilité a chuté. »

Retrouvez les slides de Darrell Duffie, qui a présenté les résultats préliminaires d’une étude réalisée sur les cinq plus grandes banques américaines.

Les régulations n’intègrent pas le risque de liquidité

Pour réguler le système financier international et réduire les risques de contrepartie, plusieurs mesures ont été instaurées après la crise comme les exigences accrues de fonds propres, les stress-tests des banques ou la compensation centrale des transactions sur les produits dérivés. Néanmoins, selon Rama Cont, directeur de recherche au CNRS, les modèles de risque de crédit sont trop focalisés sur la solvabilité, tandis que les risques de liquidité ne sont pas pris en compte par les régulations adoptées après la crise financière : « Les appels de marges affectent le bilan des acteurs financiers. Les exigences de marges transforment le risque de contrepartie en risque de liquidité (…) Les stress-tests en Europe sont basés sur la solvabilité, alors qu’ils devraient inclure également la liquidité. » Il faut dire que les défauts de Lehman Brothers, Bear Stearns et AIG se sont produits en raison d’un manque de liquidité plutôt qu’un réel problème de solvabilité, a rappelé le chercheur.

Retrouvez les slides de présentation de Rama Cont, ici.

Un système financier globalement plus résilient

Même si les risques sur le système financier mondial perdurent, la coordination internationale constitue un motif de satisfaction : « L’agenda des réformes réglementaires comporte deux caractéristiques importantes. Le premier est qu’il est global, car, pour la première fois, les réformes ont été portées par le G20, qui associe à la fois les pays industriels et émergents. Le second élément est que cet agenda clair, car il essaye d’aborder tous les risques du système financier dans son ensemble », a indiqué Laurent Clerc, directeur de la stabilité financière à la Banque de France.

Pourvu que cet élan international se poursuive à l’heure où les États-Unis envisagent de faire cavalier seul avec d’éventuelles déréglementations de leur système financier.

Pour aller plus loin, retrouvez les présentations des différents intervenants de l’événement ci-dessous :

Paul Glasserman – Can Swing Pricing Prevent Mutual Fund Runs and Fire Sales?

Guillaume Vuillemey – The Failure of a Clearinghouse: Empirical Evidence

Yann Braouezec – Bank Stress testing: an equilibrium approach