En France, comme dans de nombreux pays, les difficultés liées au sommeil touchent de nombreux actifs avec des conséquences importantes sur la santé et la productivité au travail. Stéphanie Mazza, professeur de neurosciences à l’Université Lyon 1, a livré son point de vue de scientifique sur cette problématique, au cours d’un petit-déjeuner, organisé par la Chaire Prevent’Horizon, qui s’est déroulé le 27 septembre dernier, dans les locaux parisiens du cabinet de conseil Actuaris.  

Après avoir rappelé qu’un tiers de la vie humaine était consacré au sommeil, Stéphanie Mazza a énoncé des chiffres particulièrement mauvais concernant le sommeil des Français: 62% affirment avoir des difficultés dans leur sommeil, 1/3 des actifs dort moins de 6 heures par jour, 20% des adultes sont touchés par la somnolence et 1/3 des Français boit du café, d’après des chiffres de l’Inpes (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé). Parmi les raisons de ce manque de sommeil figurent notamment l’utilisation massives des écrans et les mutations sociétales.

Pourtant, selon les recommandations internationales, les adultes âgés entre 20 et 60 ans ont besoin de dormir entre 7 et 9 heures par nuit, bien plus que les 6 heures minimales ancrées dans l’imaginaire collectif.

Le manque de sommeil coute 100 milliards d’euros par an à la France

Après ce constat défavorable, la chercheuse a évoqué les conséquences économiques du manque de sommeil en France en s’appuyant sur les résultats d’une étude australienne. Et force est de constater qu’elles sont particulièrement importantes avec un coût annuel estimé à 100 milliards d’euros, soit plus de 4% du PIB national !

Dans les détails : l’insomnie par employé coûte chaque année 233 euros à l’employeur, 77 euros à l’assurance maladie et 100 euros à l’employé, qui a des difficultés dans son sommeil. En termes de présence au travail, les personnes ayant des troubles du sommeil sont absentes 11,5 jours par an contre 6 jours pour celles qui n’en ont pas.

Au-delà de ces montants financiers, le manque de sommeil réduit globalement la productivité au travail, en provoquant des baisses de l’attention et de la concentration et des pertes d’efficacité.

Des actions préventives à privilégier

Outre les aspects économiques, le manque de sommeil nuit énormément à la santé en affectant notamment le système immunitaire et les performances cognitives. Or, les problèmes de sommeil ne sont pas pris en compte par les pouvoirs publics : « Le sommeil ne figure pas dans les priorités des autorités. Le mot sommeil est absent des 25 mesures-phares de la politique de prévention 2018. C’est dramatique pour les chercheurs, car il est difficile de trouver des fonds pour conduire nos recherches », a déploré Stéphanie Mazza.

Pour faire face à cette absence des pouvoirs publics, des programmes de prévention pour les enfants dans les écoles, comme celui qu’a développé Stéphanie Mazza, portent leurs fruits. Quant aux adultes, les leviers préventifs sur le manque de sommeil auraient tout intérêt à être mis en œuvre par les employeurs, qui supportent 88% des coûts indirects de l’insomnie en France.