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Le concours FC Competitionorganisé par l’Institut Louis Bachelier (ILB) et lancé en octobre 2017 –  a désigné l’équipe d’étudiants qui a remporté le premier prix du jury international*, le 20 juin dernier, dans les locaux parisiens du cabinet de conseil AT Kearney.

Au cours de cette journée scientifique intitulée « FC Camp », qui s’est déroulé en deux étapes distinctes, les deux équipes finalistes du concours, les membres du jury international* et de nombreux experts ont débattu de l’attractivité des centres financiers.

Dans ce dossier, retrouvez les meilleurs moments de cet évènement qui s’est conclu par la nécessité de poursuivre les recherches académiques sur l’attractivité des centres financiers dans le monde, afin d’essayer de parvenir à une méthodologie solide et robuste d’ici à mars 2019, soit à la veille du Brexit.

* Le jury international du FC Competition a été composé de : Michael H. Grote (vice-président des relations académiques et professeur en finance d’entreprise à la Frankfurt School of Finance & Management), André Lévy-Lang (président de l’Institut Louis Bachelier et ancien PDG de Paribas), Simone Manganelli (directeur de la division de la recherche financière à la Banque Centrale Européenne), Kathy Pain (directrice du réseau de recherche Globalization & World Cities), Alberto Zazzaro (professeur en politiques monétaires à l’Université de Naples).

Le jury international du FC Competition (de gauche à droite : Simone Manganelli, Michael H. Grote, Alberto Zazzaro et Kathy Pain). Crédits : Samuel Guigues

 

L’attractivité des centres financiers est difficile à appréhender

La première partie du FC Camp, qui s’est tenue le 20 juin dernier, a été consacrée à la présentation de plusieurs travaux scientifiques portant sur les notions de centres financiers et d’attractivité.

 

Après un discours introductif de Jean-Michel Beacco, délégué général de l’ILB, pour présenter brièvement le projet sous-jacent au FC Competition, à savoir l’élaboration d’une base de données et d’un indice avec une méthodologie scientifique robuste et transparente permettant de classer l’attractivité des centres financiers, plusieurs intervenants ont pris la parole pour livrer des pistes de réflexion sur ce sujet complexe.

Les centres financiers peuvent revêtir plusieurs formes

La première présentation a été effectuée par Jean Boissinot, directeur de la stabilité financière à la Direction Générale du Trésor, qui a réalisé une enquête sur les centres financiers et leur attractivité. Cette étude revient notamment sur la littérature académique existante et le mode de formation des centres financiers, dont la question a été posée la première fois en 1974 par l’économiste américain Charles P. Kindleberger, qui se demandait si ce sujet relevait plutôt de la géographie ou de la finance. Il est vrai que la problématique liée à l’attractivité des centres financiers est à la frontière entre plusieurs disciplines, ce qui nécessite des approches transversales.

Jean Boissinot a poursuivi son exposé en évoquant les lacunes actuelles pour définir un centre financier et son attractivité : 

« En examinant la littérature académique, il manque beaucoup d’éléments : une cartographie compréhensible, une théorie unique, une classification robuste et la mesure de l’attractivité des centres financiers », tout en soulevant de nombreuses interrogations restant encore sans réponse scientifique : « Qu’est-ce qu’un centre financier ? Quel est son fonctionnement ? Existe-t-il un seul système ? Quelles données utilisées ? Quelle est la différence entre un centre financier local et global ? Quid des centres offshores et de la révolution technologique et numérique ? » Autant de questions permettant de nourrir les discussions durant ce FC Camp.

Jean Boissinot durant son intervention au FC Camp, le 20 juin dernier.

Les centres financiers et la globalisation

Dans la deuxième présentation, Kathy Pain, directrice du réseau de recherche Globalization & World Cities (GaWC), a évoqué la problématique des classements des centres financiers dans un contexte de globalisation et de financiarisation des grandes métropoles à travers le monde : 

« Les classements sont devenus de plus en plus importants avec la globalisation. Dans le même temps, les grandes villes-monde se financiarisent et drainent davantage de capitaux, en particulier dans l’immobilier. La constitution d’une hiérarchie entre les grandes villes-monde représente un challenge analytique important en termes de prise en compte des données. » Et de terminer son intervention en mentionnant la difficulté de faire cohabiter ensemble des données nationales et locales dans ce type d’exercice.

Kathy Pain lors de sa présentation académique au FC Camp.

New-York est en pole position pour les professionnels

La troisième intervention a été faite par Marc-Antoine Autheman, président du conseil d’administration d’Euroclear, qui a donné son point de vue de professionnel des marchés financiers : « L’unique centre financier global du monde se situe à New-York, car il concentre les acteurs clés de la finance et utilise le dollar. Pour mesurer l’attractivité, le stock de capitaux est un indicateur important ». Toutefois, au cours de son intervention, l’expert a également mentionné la Chine – qui développe des centres financiers différents au sein de son territoire – comme possible relais de New-York dans les années à venir.

Marc-Antoine Autheman au cours du FC Camp.

Le commerce international a favorisé les centres financiers

Enfin, la quatrième et dernière présentation académique de la matinée a livré une perspective historique des centres financiers, par l’intermédiaire de Pierre-Cyrille Hautcoeur, professeur associé à la Paris School of Economics.

« Un centre financier est localisé à un endroit précis, tandis qu’un système financier se situe au niveau national et se caractérise par des interactions entre acteurs », a-t-il indiqué, avant de préciser : « Sur le plan historique, un centre financier est assez indépendant par rapport à une nation. Un centre financier ne peut être créé et exister sans commerce international, car cette activité nécessite des crédits. »

Et les exemples du passé sont nombreux, notamment avec Venise et Paris au 13e siècle ou encore Amsterdam et Londres au 17e. Même si les centres financiers se sont concentrés dans des grandes villes, l’aspect national reste très important, car le besoin de liquidités pour financer l’endettement public des états a justement favorisé le développement des banques dès le 16e siècle. En outre, un centre financier a également besoin de moyens nationaux en termes de législation et de comptabilité.

Quant à la hiérarchie des centres financiers, elle a toujours existé, selon Pierre-Cyrille Hautcoeur : « Il y a toujours eu un leader dans l’histoire des centres financiers. Les évolutions dans les classements interviennent avec des chocs comme les guerres et les crises, mais l’innovation pourrait également favoriser des changements. » Si pour l’heure, New-York et Londres restent dominateurs en termes de capitaux, il est fort possible que ces positions ne restent pas figées dans un futur plus ou moins proche.

Pierre-Cyrille Hautcoeur a livré une vision historique des centres financiers lors du FC Camp.

Le concours FC Competition dévoile son lauréat

Au cours de la première partie du FC Camp, les deux équipes finalistes ont présenté les résultats de leurs travaux entamés il y a plusieurs mois déjà, avant que le jury international du concours annonce le vainqueur.

De droite à gauche, l’équipe de l’Université l’Orléans avec certains membres du jury, lors de la remise de prix du FC Competition.

 

Comment définir un centre financier ? Comment mesurer son attractivité par une méthodologie scientifique fiable et transparente ? Est-il possible de construire une base de données et un classement des centres financiers avec des critères objectifs ? Telles étaient les principales problématiques sur lesquelles ont planché, durant plusieurs mois, les équipes d’étudiants en masters participantes au concours.

Pour rappel, les objectifs du concours FC competition visaient à établir une base de données et un indice, afin de mesurer et classer l’attractivité des centres financiers avec une méthodologie scientifique et académique comprenant des indicateurs objectifs, mesurables et réplicables. 

Deux finalistes en lice

Après être entré dans sa dernière ligne droite fin février, seules deux équipes sont restées en course dans le concours FC Competition : d’un côté neuf étudiants de l’Université d’Orléans et de l’autre trois étudiants de l’école de commerce ESCP Europe. Il faut dire que les différentes étapes du concours ont été fatales à plusieurs autres équipes, qui ont dû progressivement jeter l’éponge.

Une première pierre à l’édifice

De leurs côtés, les deux équipes finalistes ont été jusqu’au bout de l’épreuve et ont été félicitées à juste titre pour leurs travaux : « Vous avez proposé toutes les deux une analyse intéressante sur la définition des centres financiers et des éléments qui alimentent leur attractivité. Les deux équipes ont identifié précisément plusieurs pièges et ont offert des solutions différentes pour les surmonter. Les deux solutions constituent le commencement de quelque chose d’intéressant, mais les deux approches ont eu des difficultés avec l’accessibilité aux données et la question de l’endogénéité. Aucune des deux solutions proposées n’est opérationnelle. Construire une méthodologie pour établir un indice valide n’est pas une mince affaire. Cela nécessite du temps, un travail d’équipe et des réflexions. Durant cette matinée, nous avons entendu une partie des idées à développer. Cet après-midi, nous travaillerons en groupes pour en inclure davantage », a déclaré Simone Manganelli, directeur de la division de la recherche financière à la Banque Centrale Européenne et membre du jury international du concours FC Competition.

Un chèque de 6000 euros pour l’équipe gagnante

Même si les deux équipes finalistes ne sont pas parvenues à développer une approche prête à l’emploi, elles ont tout de même défriché beaucoup de terrain pour définir et calculer l’attractivité des centres financiers. Le jury a d’ailleurs tenu à les récompenser en remettant deux prix distincts : 6000 euros pour l’équipe gagnante et 3000 euros pour la finaliste. Et après des délibérations, c’est la proposition de l’équipe de l’Université d’Orléans, qui a été jugée la plus complète en prenant en compte 143 indicateurs différents pour classer 97 centres financiers, contre 17 critères dans 19 villes pour l’équipe d’ESCP Europe.

Des groupes de travail formulent des recommandations

Après une matinée académique, la seconde partie du FC Camp, dans l’après-midi, a été l’occasion de poursuivre les discussions et d’améliorer la méthodologie permettant de mesurer l’attractivité des centres financiers.

 

Pour ce faire, des ateliers de travail restreints ont été constitués avec certains des experts présents lors de la première partie du FC Camp. Trois groupes ont ainsi réfléchi à une thématique distincte : le type de centres financiers et leur attractivité, les données à prendre en compte dans la constitution d’un indice et, enfin, la méthodologie mathématique à employer.

Les ateliers de travail ont mis en commun leurs idées sur l’attractivité des centres financiers.

Des propositions à explorer dans un futur proche…

Après trois heures d’intenses réflexions, les trois groupes de travail ont émis des propositions à examiner très prochainement, afin d’affiner et de parvenir à une méthodologie académique transparente et mesurer ainsi l’attractivité des centres financiers.

Sans les mentionner exhaustivement, il s’agit entre autres : d’éviter des catégories prédéfinies de centres financiers ; de se concentrer sur la description des activités des centres financiers et des flux entre eux ; d’observer les réseaux et les liens entre les centres financiers, ainsi que ces derniers avec l’économie réelle ; de trouver le bon compromis entre le nombre de villes à classer et le manque de données disponibles ; d’adopter une approche top down vers plus de granularité ; de définir l’attractivité entre le passé et le futur, ainsi qu’entre les stocks et les flux ; de structurer les données ; de faire du web scraping pour dénicher des données ou encore d’effectuer la rétro-ingénierie de l’indice GFCI, afin de retrouver le modèle de cet indice, qui n’est pas ouvert au public et aux chercheurs, alors qu’il est communément médiatisé.

…Et un nouveau défi à relever d’ici au Brexit

Alors certes, il reste encore beaucoup de travail pour résoudre le problème lié à l’attractivité des centres financiers, mais le concours FC Competition a eu le mérite de poser la question et d’examiner de nombreuses solutions.

Dans les tout prochains mois, l’ILB et ses parties prenantes (chercheurs, universités, entreprises) vont poursuivre la réflexion avec l’objectif de présenter un classement unique ou diversifié des centres financiers dans la zone euro, au prochain Forum International des Risques Financiers, en mars 2019 et juste avant le Brexit. Le rendez-vous est pris dans quelques mois…

Les propositions finales annoncées par les groupes de travail.

 

« Le premier prix du concours FC Competition représente une immense fierté »

L’équipe d’étudiants de l’Université d’Orléans a remporté le concours FC Competition en recevant le premier prix du jury international avec une récompense de 6000 euros. Wassim Le Lann - qui a présenté l’étude produite par son équipe – au cours du « FC Camp », le 20 juin dernier, a brièvement répondu aux questions de l’ILB en marge de la remise de prix.

 

Wassim Le Lann durant la présentation des travaux de son équipe de l’Université d’Orléans.

ILB : Comment avez-vous eu l’idée de concourir au concours FC Competition ?

Wassim Le Lann : Nous avons eu connaissance du concours FC Competition en recevant un email d’un de nos professeurs, qui comprenait la liste des équipes d’étudiants en lice. Cela a été notre première motivation pour nous inscrire et y participer.

Comment s’est déroulé l’encadrement du jury international ?

Au cours des différentes échéances du concours, notamment celle du mois de février durant laquelle nous devions présenter notre idée initiale, les membres du jury nous ont apporté de nombreux retours pour améliorer notre étude et préparer la dernière ligne droite du concours.

Quels sont les principaux écueils que vous avez rencontrés lors de ce concours ?

Outre les difficultés liées à la collecte des données que nous avons pu combler grâce à la motivation apportée par nos professeurs, la longueur de la compétition et son chevauchement avec les exigences de notre cursus universitaire, en particulier les examens, n’ont pas toujours été très simples à gérer pour les membres de l’équipe. Nous avons tout de même réussi à passer les différentes étapes, ce qui constitue une grande victoire.

Justement, vous avez remporté le premier prix du jury, quel est votre sentiment ?

Étant donné le temps de travail investi dans ce concours, nous sommes très contents d’être arrivés en finale. Au-delà des 6000 euros que nous avons remporté, le premier prix représente une immense fierté pour nous, notre université et les cursus suivis par les membres de notre équipe, à savoir le Master finance et le Master économétrie compte tenu du prestige de l’ILB.

Pour conclure, le FC Competition vous a-t-il donné un intérêt pour la recherche scientifique ?

Oui totalement et si nous avons le temps, nous aimerions essayer d’améliorer la méthodologie développée dans notre étude. J’emploie le conditionnel, car les prochains mois vont être consacrés à la poursuite de nos études par le biais de stages pour certains membres de l’équipe. De mon côté, je souhaite poursuivre mon cursus universitaire en effectuant une thèse d’économétrie financière.