Depuis plus de trois ans, des discussions sur la création d’une taxation des transactions financières sont menées au niveau européen. Loin de susciter un consensus, le projet avance lentement et ses modalités restent à définir. Les études d’impact, réalisées après l’instauration d’une taxe en France, doivent en tous cas alimenter le débat.

La taxe sur les transactions financières c’est un peu l’Arlésienne des politiques fiscales. On en parle beaucoup, mais on l’attend encore… Les débats en cours au niveau européen en sont l’illustration. Un premier projet a été présenté en 2011, sous l’impulsion de la France et de l’Allemagne. Il prévoyait un prélèvement de 0,1% sur les échanges d’actions, d’obligations et les OPCVM (organismes de placement collectif en valeurs mobilières), ainsi qu’un prélèvement de 0,01% sur les produits dérivés.

L’unanimité n’étant pas obtenue, onze Etats (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Estonie, France, Grèce, Italie, Portugal, Slovaquie et Slovénie) ont donné leur accord et se sont engagés à agir dans le cadre d’un accord de coopération renforcée. En mai dernier, la Slovénie, en pleine crise politique, n’a finalement pas signé la déclaration commune. Les dix pays restants ont quant à eux annoncé l’instauration d’une taxe à compter du 1er janvier 2016.

Une taxe encore très floue

Mais sur fond de divergences entre Etats et secteur financier, le contour du projet n’a cessé d’évoluer et demeure flou encore aujourd’hui. La taxe devrait se concentrer dans un premier temps sur les actions, puis s’étendre à certains dérivés, sans préciser lesquels…Les attentes des politiques sont en tous cas très fortes. Dans la dernière version de la directive (14 février 2013), la Commission Européenne avance plusieurs objectifs : harmoniser les législations relatives à l’imposition indirecte des transactions financières, décourager les transactions qui n’améliorent pas l’efficience des marchés financiers et faire contribuer les établissements financiers à la couverture du coût de la crise. Sur la base des taux proposés (0,1% pour les actions, 0,01% pour les dérivés), la Commission table ainsi sur des recettes annuelles de l’ordre de 30 à 35 milliards d’euros. Des chiffres, contestés, qui pourraient considérablement être réduits si la taxe est restreinte à quelques produits.

En outre, l’exemple de la France invite à une certaine prudence. L’Hexagone a en effet pris un peu d’avance en appliquant depuis le 1er août 2012 une taxe de 0,2% sur les échanges d’actions d’entreprises françaises dont la capitalisation excède 1milliard d’euros. La taxe n’inclut par contre ni les dérivés, ni les opérations de trading haute fréquence. Or, deux ans plus tard, les recettes s’avèrent deux fois moins élevées que prévues.

 

La taxe doit tenir compte de la diversité des marchés financiers

A travers l’étude des échanges d’actions réalisés entre le 1er juin et le 31 octobre 2012, Jean-Edouard Colliard et Peter Hoffmann, tous deux économistes à la Banque Centrale Européenne, ont analysé l’impact de la taxe sur les transactions financières mise en place en France le 1er aout 2012[1]. Ils observent une grande différence entre le marché régulé et les marchés de gré à gré.
Les marchés financiers ont fortement changé au cours des dernières décennies : les transactions sont plus intermédiées, plus automatisées, et la segmentation entre les différents compartiments de marché s’est accrue. S’appuyer sur les expériences des années 90 pour définir les politiques économiques du XXIe siècle peut s’avérer hasardeux. L’expérience française représente donc une opportunité d’analyser les conséquences d’une taxe sur les transactions financières sur les marchés « modernes ».
 
Un marché réglementé peu touché
Les auteurs ont d’abord comparé l’évolution d’Euronext suite à l’instauration de la taxe le 1er août 2012, et des actions similaires non soumises à la taxe. Le premier mois, les transactions ont enregistré une chute de plus de 30% ; nourrissant les critiques émises par le secteur financier. Cette baisse doit toutefois être relativisée et s’explique, en grande partie par l’effet saisonnier : l’activité économique étant chaque année fortement ralentie durant la période d’été. Preuve en est, la baisse s’est ensuite stabilisée autour de 10% : un impact  jugé « limité » par l’étude. La taxe n’a par ailleurs eu aucun effet sur le niveau des spreads ni sur la volatilité.
Les chercheurs expliquent la bonne résilience d’Euronext par l’existence d’un certain nombre d’exemptions (comme l’exclusion des opérations intra journalières, l’exemption des activités liées à la tenue de marché etc) qui ont agi comme des « barrières de protection de la liquidité ».
 
Contrairement aux opérations de gré à gré
Les conclusions sont par contre fort différentes pour les marchés non réglementés. Les transactions OTC ont ainsi plongé de plus de 40% entre juin et octobre 2012: les opérations de grande taille ayant même quasiment  disparu. Les « barrières de protection » qui ont permis de préserver l’activité sur Euronext n’ont apparemment pas fonctionné sur les marchés de gré à gré.
L’effet négatif, sur ce segment de marché, a été largement sous-évalué lors de la préparation de la taxe. Aussi, les revenus effectivement enregistrés se sont avérés bien inférieurs aux prévisions de recettes établies par les autorités…
 
Quid du projet européen
L’étude souligne ainsi la complexité des politiques réglementaires qui doivent désormais s’adapter à la diversité des marchés, qu’ils soient organisés ou non : l’impact d’une taxe étant extrêmement variable d’un segment à l’autre. Une remarque qui devrait être prise en compte dans les débats sur l’élaboration d’une taxe européenne. S’il ne prévoit aucune exception pour préserver la liquidité et s’applique uniformément aux différents marchés, le projet européen de taxe des transactions financières aura un impact beaucoup plus fort que la taxe française. Or si l’activité est trop ralentie, les recettes n’en seront que réduites, prévient l’étude.

[1]https://www.banque-france.fr/fileadmin/user_upload/banque_de_france/Economie_et_Statistiques/Colliard-Hoffmann.pdf

« L’introduction de cette taxe en France a eu très peu d’effet »

Gunther Capelle-Blancard est professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, et coauteur,avec Olena Havrylchyk, d’un article de recherche sur la taxation des transactions financières[1]. Selon lui, l’initiative française est plutôt positive.
Quelles sont les origines de la taxe sur les transactions financières ?
L’idée date initialement de l’économiste John Maynard Keynesdans les années 1930. Keynes pointe en effet le niveau trop élevé des transactions boursières comme une des causes de la Grande Dépression. Aussi propose-t-il d’instaurer une taxe sur les transactions à Wall Street afin de réduire les volumes et limiter la formation de bulles spéculatives.
La proposition réapparaît dans les années 1970 avec James Tobin. Il s’agit cette fois de taxerles transactions des changessuite à l’abandon du système de Bretton Woods et au passage à des taux de change flottants.L’objectif est principalement de redonner de l’autonomie à la politique monétaire en freinant la mobilité internationale des capitaux. Le projet ne voit toutefois jamais le jour.
Enfin, dans les années 1990, la création d’une taxe sur les transactions financières redevient populaire sous l’impulsion des mouvements altermondialistes. L’objectif affiché est de résister à l’essor des marchés financiers et de lutter contre la spéculation et la volatilité. La proposition trouve un certain écho dans l’opinion, mais elle estcritiquéepar la plupart des économistes,persuadés de l’inefficacitéd’un tel outil.
 
Une taxe sur les transactions financières a finalement été mise en place en France en août 2012. Elle s’applique aux actions des grosses entreprises. L’expérience s’avère-t-elle concluante ?
L’introduction de cette taxe en France a eu très peu d’effet. Les volumes de transaction ont certes baissé, comme nous pouvions l’attendre : entre -10 et -20% selon les estimations. Cette diminution peut sembler inquiétante, mais elle doit être relativisée au regard de la forte explosion des échanges au cours des vingt dernières années. Entre 1990 et 2010, la place de Paris a vu ses volumes croitre de 2 000% !La taxe n’a eu, en revanche, aucun effet significatif sur la volatilité, ni à la hausse, ni à la baisse. Le taux est très faible, sans parler du fait que la taxe ne s’applique pas au trading haute fréquence.
De fait, la taxe sur les transactions financières n’est pas un bon outil réglementaire, car elle affecte très marginalement le comportement des opérateurs. Elle constitue toutefois un outil fiscal intéressant, car peu distorsif.
 
Les recettes de la taxe française ont pourtant été deux fois moins importantes que prévues…
C’est exact. Les recettes fiscales sont inférieures à un milliard par an. Mais sans conséquence néfaste pour le marché. Le taux est très faible et n’impacte en rien la profitabilité des entreprises. Il n’y a donc pas de conséquence sur la croissance ou l’emploi.
Le risque aurait pu porter sur le secteur financier. Dans les années 1980, la Suède a instauré une taxe sur les transactions financières : un vrai fiasco, car la plupart des opérateurs ont contourné la taxe en traitant depuis Londres. Mais la France a tiré les leçons de cette expérience malheureuse en instaurant le principe de résidence. La taxe s’applique aux transactions concernant les actions émises par lesgrandes entreprisesayant leur siège social en France, quel que soit le pays d’origine de la transaction, le marché ou la nationalité des contreparties.Et depuis que la taxe est en vigueur, on n’a guère observéde déplacement de l’activité au profit des autres places financières.
Les recettes auraient toutefois pu être plus importantes si la taxe portait, non seulement sur les positions nettes en fin de journée, mais également sur les transactions intra-journalières qui représentent une part de plus en plus importante de l’activité. Le projet prévoyait une taxe spécifique sur le trading haute-fréquence, mais ce volet étant mal calibré, les recettes ont été… nulles ! Les parlementaires ont bien essayé d’introduire, à l’automne 2013, les transactions intra-journalières dans l’assiette de la taxe, mais le gouvernement s’y est opposé.
 
Au regard de l’expérience française, quelles recommandations pourriez-vous faire pour le projet de taxe européenne ?
Il faut absolument éviter une délocalisation des activités financières. Le projet européen est très complet sur ce point et devrait vraisemblablement limiter les risques. Autre point positif, le projet européen inclut le trading haute fréquence, malheureusement exempté dans le cas français. Il est aussi prévu de taxer les produits dérivés (ce point reste encore ouvert).
En revanche, pour le moment, le projet européen vise toutes les entreprises. En France, la taxe s’applique uniquement aux entreprises dont la capitalisation boursière est supérieure à un milliard d’euros (soit une centaine environ). Les petites entreprises, qui bénéficient d’un accès au marché plus restreint, sont ainsi épargnées, ce qui semble plutôt une bonne chose.
Enfin, le projet européen pourrait s’inspirer de la taxe en œuvre en Italie depuis 2013 et qui prévoit un taux plus élevé pour les opérations effectuées de gré à gré (OTC). Cela pénalise les transactions sur le marché OTC au profit des marchés réglementés et favorise ainsi la transparence.
 

 

Un seul instrument ne peut pas suivre plusieurs objectifs

Augmenter les recettes fiscales, « punir » les banques, réduire la spéculation excessive, les objectifs de la future taxe européenne sont divers et multiples. Catherine Lubochinsky, managing director du Global Risk Institute, regrette cette confusion. Selon elle, une taxe n’est pas nécessairement l’outil le plus adapté.
A l’heure actuelle, dix pays européens se sont engagés sur l’élaboration d’une taxe sur les transactions financières. Quel regard portez-vous sur ce projet ?
Les objectifs du projet sont confus. La taxe est présentée à la fois comme un moyen de faire contribuer les banques au coût de la crise, donc d’accroitre les recettes fiscales, de punir les comportements bancaires nocifs, et de réduire la spéculation excessive. Soit pas moins de trois objectifs pour un seul instrument. Or, pour une politique économique efficace, le nombre d’objectifs doit être égal au nombre d’instruments : pour chacun d’entre eux, il faut utiliser l’outil le plus efficace. C’est la règle de Mundell et Tinbergen, un principe de base en économie.
 
Selon vous, une taxation des transactions financières, telle que présentée actuellement, serait donc inutile ?
Les différents objectifs visés sont en soit louables mais je doute qu’une taxe sur les transactions financières permettent de tous les atteindre. Il faudrait d’abord déterminer la finalité, puis opter pour la mesure la plus appropriée. En Italie, le volume de transactions sur actions a baissé d’un tiers lors de l’introduction de cette taxe en mars 2013. En France la baisse a été moins prononcée et surtout compensée par un volume de transactions accru sur d’autres produits exemptés tels que les CFD (Contract for Difference).
Si le but est de faire payer les banques, un impôt sur les profits bancaires serait plus simple et plus efficace. De même, si les gouvernements souhaitent condamner certains comportements bancaires, ils peuvent instaurer un système d’amendes à l’image de l’administration des Etats-Unis. Depuis 2009, les autorités américaines ont infligé aux banques plus de 130 milliards de dollars d’amende, selon le Financial Times, plus de 50 milliards de janvier à août 2014. Des montants incomparablement plus élevés que le produit espéré de la TTF. Quant à la spéculation, elle a en tant qu’activité une véritable utilité économique. Seule la spéculation excessive pose problème mais cet excès reste très difficile à quantifier…
 
Est-ce à dire que la spéculation excessive ne peut pas être contrôlée ?
Non mais il serait nécessaire de mieux comprendre les mécanismes de spéculation et de pouvoir en cerner précisément les excès. En outre, la meilleure façon de limiter la spéculation est de réduire l’effet de levier. Par exemple, augmenter les dépôts de garantie sur les dérivés serait plus pertinent que de taxer les transactions.
 
La taxe pourrait-elle avoir un impact sur les entreprises et les consommateurs ?
Probablement. Les coûts de fonctionnement de l’industrie financière augmentant, une répercussion sur les prix est probable. La taxe sera transférée, au moins partiellement, sur les investisseurs finaux (ménages et entreprises), soit par une augmentation des frais, soit par celle des taux d’emprunt. Quant à la gestion d’actifs, ce surcoût pourrait être compensé par une moindre rotation des actifs, et donc in fine, moins de frais de transaction. L’effet net est donc incertain.
 
L’industrie financière met en garde contre une vague de délocalisation. Cette crainte est-elle fondée ?
Le risque est tout à fait réel. Pour être efficace, la taxe doit s’inscrire dans le cadre d’une coopération internationale. Si cette condition n’est pas remplie, les délocalisations de l’industrie financière sont à prévoir du fait de l’arbitrage règlementaire.
Le double principe de résidence et d’émission est censé limité ce risque. La taxe doit en effet s’imposer dès lors qu’une des parties est domiciliée dans un pays participant ou que les titres sont émis par une société résidente dans un de ces pays. La future taxe européenne (à partir de janvier 2016) sera d’autant plus difficile à contourner que les produits dérivés devraient être également taxés.
 
 

« Gare aux distorsions de concurrence»

L’association française des entreprises privées (Afep) s’inquiète des possibles répercussions d’une taxe européenne sur les transactions financières pour les entreprises. Son directeur des affaires financières, Francis Desmarchelier, explique leur position.
Plusieurs organisations d’entreprises françaises et allemandes, dont l’Afep, se sont engagées pour alerter contre les effets négatifs d’une taxe sur les transactions financières. Pourquoi une telle action ?
Nous nous inquiétons des impacts potentiels d’une taxe pour les entreprises. Tout d’abord, les sociétés établies au sein de la zone de taxation seraient pénalisées par rapport à leurs concurrents établis dans un autre Etat, devenant moins attractives pour les investisseurs. Il faut en outre penser aux effets indirects. Par exemple, pour des prêts bancaires exonérés de taxe, une banque qui se tournerait vers le marché pour les couvrir subirait une hausse de ses frais de couverture et les répercuterait dans le coût de financement des entreprises.
 
En France, une taxe est déjà en vigueur depuis 2012. Pensez-vous qu’elle affecte réellement la compétitivité de l’économie ?
Cette mesure nous semble assez paradoxale. Acteurs politiques et économiques s’accordent sur la nécessité de renforcer le financement à long terme des entreprises. Or, la taxe porte sur les transactions (secondaires) sur actions qui constituent justement des outils de long terme. Que souhaite-t-on pénaliser ou encourager ? Si l’objectif est d’assurer le financement de l’économie, les décisions politiques doivent s’aligner en conséquence.
 
L’Afep et ses partenaires contestent plus particulièrement la taxation envisagée des produits dérivés…
Les Etats ont en effet annoncé leur intention de taxer certains dérivés, même si la nature des produits concernés et les modalités de taxation ne sont pas précisées. Or, ces produits sont indispensables aux entreprises. Ils sont notamment utilisés en couverture des risques de taux ou de change, ou contre les fluctuations des matières premières. Il ne s’agit pas de spéculation. En outre, cette taxe serait particulièrement lourde pour les grands groupes qui centralisent leurs activités financières au sein d’une filiale. Dans le projet actuel, ces entités seraient considérées comme des sociétés financières, avec donc une imposition spécifique, même si ces activités financières ne sont pas les principales activités du groupe. En conséquence, toutes les transactions seraient taxées, même les opérations intra groupes, et non la seule exposition résiduelle du groupe.
 
Etes-vous opposés à toute forme de taxation financière ou accepteriez-vous le projet sous certaines conditions ?
Les gouvernements européens se sont engagés en faveur d’une taxe et envisagent difficilement de revenir en arrière : c’est devenu un problème politique. Il est clair qu’une taxe financière qui ne serait appliquée que dans certains Etats de l’Union européenne, et pas à l’international, créerait des distorsions de concurrence entre les pays. Le cas échéant, une impulsion ne peut émaner que d’une organisation comme le G20.
 
 

« Les bonnes résolutions s’effilochent à mesure que la crise s’éloigne »

Ancien contrôleur à l’Autorité de Contrôle Prudentiel, Michel Crinetz défend l’instauration d’une taxe sur les transactions financières au niveau européen. Il est également un membre actif de Finance Watch et du groupe Banque du Collectif Roosevelt.
 
Vous êtes un fervent défenseur de la taxation des transactions financières. Pourquoi un tel engagement?
Car cette taxe permettrait de diminuer les transactions, en particulier les plus dangereuses et  les plus toxiques.
 
Le secteur financier va dire que ces produits répondent à un besoin, notamment un besoin de couverture en ce qui concerne les produits dérivés…
C’est exact. Ils sont utiles. C’est pourquoi je ne plaide pas pour leur suppression mais pour leur encadrement. La taxe représenterait un pourcentage très minime de la transaction. Un producteur de blé qui souhaite se couvrir, par exemple, ne la paiera qu’une fois. Il n’y aura que peu d’incidence pour son activité. Mais une banque qui réalise des milliers d’opérations sera bien plus affectée.
 
Le 1er août 2012, une taxe a été instaurée en France. Comment la jugez-vous ?
Il ne s’agit pas d’une réelle taxe sur les transactions financières, mais plutôt d’un impôt de bourse qui porte sur un petit nombre d’actions. Un impôt similaire a déjà existé dans le passé. Il s’agit d’une taxe très embryonnaire qui n’inclut ni les produits dérivés, ni le trading haute fréquence. Or, ces deux pratiques représentent des voies de contagion et d’amplification des crises, alors qu’ils n’apportent pas de valeur ajoutée à l’économie réelle.
 
Vous présentez la taxe comme un outil de régulation devant lutter contre le développement des produits toxiques et la volatilité des marchés. Pourtant, d’après des études menées sur des taxes déjà mises en place, les effets sont assez limités…
L’impact est réduit car il s’agit de taxes partielles qui ont donc partiellement réussi. Le projet européen, tel que décrit en 2013, est beaucoup plus complet et aurait toutes les chances d’avoir les résultats escomptés. Malheureusement, il n’est plus sur la table de négociation.
 
Si un accord semble avoir été trouvé au niveau européen, c’est au prix de nombreuses concessions.  La Slovénie quant à elle s’est finalement retirée réduisant la coopération à dix pays…
Le projet européen présenté initialement était très bien. Mais,  face aux nombreuses oppositions des lobbys bancaires, il a été progressivement vidé de son sens, avec une assiette extrêmement réduite. Actuellement, les pays européens annoncent uniquement une taxe sur les actions ainsi que sur quelques produits dérivés mais sans préciser lesquels.  Les banques, françaises notamment, sont très présentes sur les dérivés et exercent une forte pression contre la taxe, d’où la difficulté d’aboutir à un accord.
 
Comment réagissez-vous à la lente avancée des débats européens sur ce projet ?
Les reculs successifs sont regrettables. Au lendemain de la crise, les Etats ont fait de nombreuses déclarations, lors des sommets du G20 ou de l’Union Européenne, appelant à plus de réglementation et à un meilleur contrôle de la spéculation. Les bonnes résolutions s’effilochent au fur et à mesure que la crise s’éloigne. De sorte qu’elle risque de revenir en empruntant les mêmes canaux…