La gouvernance d’entreprise est un thème très actuel. En effet, de nombreuses questions ont été soulevées dans les dernières décennies et en particulier à la suite de différents scandales.

La plus triviale, et pourtant essentielle, est liée à la définition même de cette notion. Quels champs exacts la gouvernance d’entreprise couvre-t-elle ? Quels en sont les enjeux et les impacts ? sont autant de questions auxquelles des auteurs comme Cadbury (1992), Shleifer et Vishny (1997), Gillan et Starks (1998), ou Tirole (2006) ont tenté de répondre.

Une problématique aussi communément soulevée repose sur la rémunération des dirigeants. De nombreux aspects ont été et sont encore à étudier tels que les évolutions de cette rémunération (voir Gabaix et Landier, 2008 ; Bourjade, Germain, et Lyon-Caen, 2016). Les types et les schémas de salaires ont aussi été envisagés (Bourjade et Germain, 2015), tout comme les risques inhérents à certains d’entre eux en particulier les schémas de rémunérations variables (Bergstresser et Philippon, 2006 ; Malmendier et Tate, 2009).

Beaucoup d’enjeux sont aussi liés au conseil d’administration et notamment son évaluation. L’impact des processus d’évaluation sur la performance des entreprises est en effet une problématique essentielle (Brunzell, 2012 ; Rasmussen, 2015).

La composition du conseil d’administration (membres féminins, indépendants, nombre de membres, présence de salariés, etc) est également une question de plus en plus soulevée ces dernières années et a dans certains cas déjà été envisagée par le régulateur. Cependant, sur le plan académique, des recherches restent encore à mener en particulier pour déterminer l’impact de la présence de certains membres dans ce conseil : membres féminins (Burgess et Tharenou, 2002 ; Farrell et Hersch, 2005 ; Campbell et Vera, 2007, Adams et Ferreira, 2009 ; Simpson, Carter et D’Souza, 2010), salariés (Jensen et Meckling, 1979, Gordon et Schmidt, 2004 ; Fauver et Fuerst, 2006 ; Germain et Lyon-Caen, 2015), membres indépendants (Hermalin et Weisbach, 1988 ; Rosenstein et Wyatt, 1990 ; Kaplan, 1994 ; Bhagat et Black, 1999 ; Block, 1999 ; Hermalin, 2005).

Enfin, de nouvelles questions ont à voir avec l’entreprise en général et pour certaines ne sont soulevées que depuis récemment. Qu’en est-il de la responsabilité sociale des entreprises, comment et pourquoi l’assurer ? Quel impact peut-elle avoir sur les entreprises (Chung, 2013 ; Jo, Kim et Park, 2015 ; Saeidi et al., 2015 ; Oh, Bae et Kim, 2017) ?

De même, les collusions entre les mondes entrepreneurial et politique et les conflits d’intérêts qui en résultent sont un problème de plus en plus signalé. Se pose avant tout le problème de leur définition auxquelles de nombreux chercheurs académiques ont tenté de répondre (Johnson et Mitton, 2003 ; Khwaja et Mjan, 2005 ; Faccio, 2006 ne constituent que quelques exemples et n’apportent pas de consensus). Leur impact exact sur les entreprises ne fait pas non plus consensus, en particulier sur leur performance (Fich et Shivdasani, 2006 ; Goldman, Rocholl et So, 2009, 2013), sur leur accès au crédit (Bliss et Gul, 2012 ; Infante et Piazza, 2014), sur leur sauvetage en cas de difficulté financière (Faccio, Masulis et McConnell, 2006), etc. En un mot, sont-elles bénéfiques pour elles ou au contraire conduisent-elles à une mauvaise utilisation voire une expropriation des biens sociaux ?

Evidemment, cette liste est tout sauf exhaustive, et les entreprises, aujourd’hui, ont à faire face à de nombreux autres enjeux et problématiques.

Toutes ces questions sont généralement traitées de manière sporadique par les entreprises elles-mêmes en fonction des problématiques auxquelles elles doivent faire face à un instant t. Bien souvent, sous l’influence des actionnaires mais aussi de nouvelles parties prenantes, leurs pratiques individuelles évoluent. Les changements réglementaires, tant nationaux qu’européen, assurent également une réponse plus globale à ces nouveaux enjeux. De nombreux aspects de gouvernance d’entreprise ont en effet ainsi évolué au cours des dernières années grâce à ces changements : de nouvelles pratiques et réglementations ont ainsi affecté la rémunération des dirigeants, la composition du conseil d’administration, la responsabilité sociale des entreprises, etc.

Parallèlement à ces évolutions « pratiques », le monde académique s’est lui aussi tourné depuis longtemps vers l’étude des différents aspects de gouvernance d’entreprise, mais également des nouveaux défis qui ont émergé ces quelques années. Les nombreuses études citées plus haut, qui ne sont par ailleurs que des exemples de ce que les chercheurs ont produit sur les thématiques évoquées, en sont bien la preuve.

En revanche, ces évolutions se font encore trop souvent de manière parallèle et déconnectée : les changements provoqués au sein des entreprises peuvent se faire sans recul et prise en compte théorique des conséquences, alors que les recherches académiques peuvent parfois aboutir à des solutions difficilement viables au sein du tissu économique.

Tout l’enjeu de notre rencontre du 10 janvier prochain à l’Institut Louis Bachelier est justement de réunir ces deux mondes (praticien et académique) pour traiter ensemble de cette (ou ces) nouvelle(s) gouvernance(s) d’entreprise au sein d’une même chaire. L’objectif et l’intérêt d’une telle chaire seraient ainsi de permettre le partage d’informations et surtout de solutions entre les deux mondes. Elle pourrait même à terme constituer un véritable creuset d’échanges et de collaborations entre entreprises et chercheurs.

Plus concrètement, elle permettrait aux firmes d’exposer les problématiques et enjeux qu’elles rencontrent au monde de la recherche, qui serait lui-même le vecteur de solutions. Les chercheurs académiques, sous la houlette des praticiens, pourraient ainsi traiter des nouveaux défis de gouvernance en proposant des solutions au plus près de la réalité du monde de l’entreprise.

Laurent Germain Université de Toulouse, Toulouse Business School