La détention d’actions par les ménages français a reculé depuis 2008, malgré une amélioration des performances enregistrées par la Bourse après la crise des dettes souveraines européennes. Pour expliquer ce fait, les théories sont nombreuses, relayées tant par les médias que par les acteurs de la finance.

Sont-elles pour autant justes ? Peut-on se contenter d’expliquer ce repli par la peur des pertes, que continueraient d’inspirer les crises financières dans l’esprit des Français ?

Face à des explications qui relèvent simplement du ressenti ou de la supposition, Luc Arrondel et André Masson ont voulu proposer une recherche académique et une enquête menée, sur le long terme, auprès des ménages.

Cet article nous permet ainsi de saisir la différence, qui peut sembler ténue à première vue mais pourtant capitale, entre aversion ou tolérance au risque, variation des préférences, confiance dans les institutions ou encore anticipation des performances boursières. Il corrige aussi certaines idées reçues, comme celle voulant que l’épargne des ménages se soit réorientée vers certains placements spécifiques. L’éclairage apporté par les chercheurs prouve que les opinions avancées pour expliquer le comportement des ménages face à la Bourse sont souvent trop simples, pour ne pas dire erronées.

Mieux connaître les causes et les motivations de la désaffection envers les actions nous offre la possibilité d’essayer d’enrayer ce phénomène. Priver les entreprises de cette source de financement est en effet dommageable pour l’économie dans son ensemble.

Là encore, l’étude menée par Luc Arrondel et André Masson risque de surprendre le lecteur. Elle fait apparaître les insuffisances des solutions le plus couramment proposées pour réorienter l’épargne vers les marchés. Prenons par exemple une idée communément répandue parmi les milieux financiers et les institutions publiques : améliorer l’éducation financière permettrait de favoriser la détention d’actions.

Celle-ci ne serait finalement qu’une mesure palliative incapable, à elle seule, de faire changer le courant actuel. Pour y parvenir, il s’avère indispensable de chercher d’autres solutions, de s’intéresser à d’autres initiatives. Plutôt que de se concentrer uniquement sur des motivations qui seraient propres aux ménages, le secteur financier gagnerait à s’interroger sur sa part de responsabilité dans la désaffection pour les actions et les placements risqués.

Le milieu financier n’endosse toutefois pas tous les torts et une des conclusions de l’étude est de proposer l’engagement de tous, et notamment des pouvoirs publics afin de remédier au faible attrait des actions chez les particuliers.

 

Par Jean-Michel Beacco,
Directeur général de l’Institut Louis Bachelier