Rama Cont, mathématicien et spécialiste de la modélisation des risques financiers, a présenté un exposé de ses travaux sur les chambres de compensation, au cours d’un déjeuner en comité restreint, organisé chez Tobam, par CFA Society France et l’Institut Louis Bachelier.

Il est vrai que depuis la crise financière de 2008, les régulateurs internationaux ont imposé le recours à la compensation centrale, par le bais de chambres de compensation (CCP), pour la réalisation des transactions de produits dérivés, échangées de gré à gré.

Pour ce faire, les régulateurs ont mis en place des mécanismes incitatifs pour que les acteurs financiers évitent de faire des transactions bilatérales au profit de transactions centralisées dans des CPP.

Les CPP inquiètent les observateurs

Si l’objectif des régulateurs a été de réduire le risque de contrepartie, afin d’éviter des mouvements de contagion d’ordre systémique comme lors des faillites de Lehman Brothers ou d’AIG, la montée en puissance des CCP et surtout leur niveau de capital suscitent l’inquiétude de certains experts.

Des ratios de fonds propres faibles

Alors que la réglementation de Bâle III impose des ratios de fonds propres de 8% pour les banques, aucune exigence de capital n’est requise pour les CPP. « Le bilan d’une CCP est dynamique et varie chaque jour, car il est essentiellement composé des marges postées quotidiennement par ses membres. Si bien qu’aucune CCP au monde a un ratio de fonds propre dépassant 1% », a souligné Rama Cont.

Les CCP drainent la liquidité de ses membres

En effectuant des transactions par une CPP, les membres doivent verser une marge initiale en cash et des marges quotidiennes également en cash, qui fluctuent à la hausse ou à la baisse en fonction de leurs positions sur les marchés financiers. Or, l’immobilisation des marges dans des CPP entraîne une baisse de la liquidité de leurs membres. « Le risque de contrepartie se transforme en risque de liquidité », a estimé Rama Cont, qui a illustré ses propos avec des chiffres de la Banque des Règlements Internationaux : « Le montant des marges des quatorze plus grandes banques du monde s’élève à 400 milliards de dollars en cash dans des CPP systémiques, c’est-à-dire opérant dans plusieurs juridictions. Ce montant colossal est comparable aux réserves de liquidité de ces banques ».

Des stress tests plus réalistes sont nécessaires

En avril 2016, l’ESMA (European Securities and Markets Authority) a publié les résultats des stress tests effectués dans les plus grandes CCP du continent. Ces tests de résistance n’ont pas révélé de risque majeur, en cas de faillites simultanées de plusieurs membres des CCP. Cependant, ces évaluations n’estiment pas le risque de liquidité induit par les CPP : « Les CCP n’ont aucun impact sur la solvabilité de leurs membres. Pourtant, les stress tests ne sont réalisés que pour estimer la solvabilité des membres envers une CCP. En réalité, il faudrait faire des stress tests de liquidité, en tenant compte de la notion de valeur liquidative, qui ne dépend pas des marchés. Ces tests seraient plus réalistes pour estimer le risque de liquidité des banques », a recommandé Rama Cont.

Pour l’heure, les débats sur les réglementations des CPP restent ouverts et les autorités, en particulier Bruxelles, gardent un œil attentif sur ces maillons importants du système financier mondial.

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